Gouverner l’espace associatif par l’instrumentation participative : société civile, participation et citoyenneté en Haïti

Résumé

(Re)devenue depuis l’instauration de la Troisième vague huntingtonienne de démocratisation un creuset d’expérimentations voire l’espace par excellence de consolidation politique et institutionnelle de la démocratie, la société civile s’inscrit dans un répertoire enchanteur d’actions positives et optimistes. De cette hypothèse hâtivement formulée de potentialité démocratique de la société civile découle en effet une triple fonctionnalité de contre-pouvoir, de légitimation démocratique et de renforcement du lien social. Dans quelle mesure les modalités de choix des représentants de la société civile participent-elles d’une vision holistique de « silencement » des dynamiques de participation, des logiques des rapports sociaux ainsi que de l’hétérogénéité des structures organisées ? En supposant que les pratiques d’instrumentation participative dans l’espace associatif haïtien entraînent, sous contrôle d’une élite citoyenne, des mécanismes d’exclusion préjudiciables à la construction de véritables espaces publics dans la perspective d’une citoyenneté sociopolitique émancipatrice, l’objectif de cet article consiste tout d’abord, en mobilisant quelques travaux en sociologie, philosophie et théorie politiques, à présenter une rétrospective critique des référents normatifs à la base du lien indissociable entre société civile, participation et citoyenneté, et porteur de vertus démocratiques dans la modernité occidentale. À partir d’une analyse des dynamiques participatives et logiques d’accès à la citoyenneté, nous mettrons au jour la contribution de certaines pratiques sociales et stratégies à la position hégémonique des organisations de la société civile dans leur relation de domination ou de cooptation vis-à-vis d’autres structures organisées et acteurs de l’espace associatif haïtien.